Appel à communication : essayisme, biographie, autobiographie et savoirs

13 et 14 juin 2024

Date limite d’envoi des propositions : 15 mars 2024

Écrivaines entre littérature et sciences, deuxième partie

Comité d’organisation
Léa Cassagnau
Cindy Gervolino
Ralph Winter

Comment participer ?

Veuillez adresser votre proposition (de 350 mots environ), accompagnée d’un court CV scientifique, à :
– Léa Cassagnau, lea.cassagnau@univ-fcomte.fr
– Cindy Gervolino, cindy.gervolino@univ-fcomte.fr
– Ralph Winter, ralph.winter@univ-fcomte.fr

Présentation

Avec l’accès aux savoirs académiques et aux études scientifiques suite à l’ouverture des universités européennes aux femmes dès la duxième moitié du XIXe siècle, un nombre grandissant d’écrivaines occidentales entament des études et intègrent de nouveaux savoirs dans leurs écrits. Cette ouverture s’inscrit dans le contexte de la division épistémologique des disciplines modernes entre sciences naturelles et sciences humaines, ainsi que des luttes discursives entre le champ littéraire et les sciences humaines émergentes comme la psychanalyse ou la sociologie (Lepenies).

L’essayisme comme mode de réflexion et d’écriture (Zima) connaît alors un nouvel essor auprès des intellectuel.le.s car il leur permet d’intégrer différentes approches et différentes formes d’expression du savoir, qu’elles soient conformes ou non aux règles des discours scientifiques dominants. Pour nombre d’autrices qui s’expriment sur des questions scien- tifiques, l’essayisme devient alors une forme privilégiée d’expression du savoir. Etant donné que l’histoire de l’essai s’est écrite surtout au masculin, on peut se demander dans quelle mesure les écrivaines savantes ont fait évoluer ce genre textuel et mesurer ainsi leur apport à son histoire à une échelle transnationale, en prenant en compte des autrices telles que Virginia Woolf, Victoria Ocampo, Simone de Beauvoir, Ingeborg Bachmann, Assia Djebar, Hélène Cixous, Svetlana Alexievitch, … .

Un premier accent sera mis sur l’essai biographique comme instrument de connaissance et mode de négociation de savoirs. En effet, c’est à travers le récit de la vie d’autrui que nombre d’écrivaines savantes traitent des savoirs en lien avec leur propre objet d’étude. Ainsi, Lou Andreas-Salomé raconte-t-elle par exemple la vie de Nietzsche tout en s’appropriant sa philosophie, et l’historienne Ricarda Huch écrit celle de Luther ou de Garibaldi tout en brouillant les frontières entre sources historiques et fiction. Les croisements entre l’autobiographie et l’essai pourront constituer un autre terrain d’interrogation, tout particulièrement en matière de sciences médicales et psychologiques, car on constate en effet leur mobilisation dans les récits de soi lorsque ceux-ci abordent la maladie et la souffrance psychique. C’est le cas à l’époque contemporaine d’essais “hybrides” qui mêlent récit de soi et savoir interdisciplinaire, occupant ainsi une place inédite dans le champ actuel des savoirs, comme ceux de l’écrivaine étasunienne Siri Hustvedt.

Les journées d’études mettront ainsi en avant des écrivaines qui explorent, transmettent ou remettent en question des savoirs constitués ou nouveaux dans des textes essayistiques, biographiques ou autobiographiques. Qu’elles écrivent depuis une position extérieure au monde académique ou en tant que membre de la communauté scientifique, leurs pratiques d’écriture sont bien souvent régies par des conditions de production et de réception différentes de celles des hommes. L’objectif est donc de saisir les approches singulières des savoirs et les usages qu’en font les autrices, tout en tenant compte des conditions historiques des formations de savoir dans lesquelles leurs textes se situent. (Gess/Janßen ; Kauko et al.)

Les questions suivantes pourraient guider les analyses : Quels domaines de savoirs sont pri- vilégiés, quelles structures narratives, quelles images, quels procédés rhétoriques, stylis- tiques et littéraires sont actualisés lorsque les autrices élaborent, organisent et mettent en scène des savoirs tout en écrivant leurs vies ou celles des autres ? Font-elles un usage spéci- fique des formes essayistiques ? Leur écriture, quand elle naît d’une position marginale, re- cèlerait-elle un potentiel particulier de créativité et d’innovation ? Dans une perspective dia- chronique, quelles sont les évolutions à observer, compte tenu de l’essor des recherches sur le genre ainsi que des remises en question poststructuralistes et postmodernes des savoirs ?

Pendant la première manifestation autour des « écrivaines entre littérature et sciences » en octobre 2023, centrée sur les écrits littéraires de langue allemande, une évolution a pu être retracée, allant de « la légitimation d’un ‘Je’ auctorial féminin, par l’investissement de poses et de postures auctoriales, jusqu’à l’éclatement, la dissolution ou la multiplication de ce ‘Je’ lui-même dans les écritures plus contemporaines.“1 En même temps, les lectures critiques et subversives des savoirs par les écrivaines contemporaines s’accompagnent assez souvent de la mise en avant d‘une nouvelle “subjectivité savante“ comme c’est le cas pour l’écrivaine allemande Judith Schalansky. Dans une approche que nous souhaitons comparatiste, nous demanderons désormais ce qu’il en est de ces constats pour les écritures essayistiques, biographiques et autobiographiques d’écrivaines savantes issues d’autres cultures et souhai- tons étendre ainsi la réflexion aux domaines francophones, anglophones, hispanophones, …