Joaquim Jordá au Portugal

15 janvier 2025

Chroniques d’une dictature

Rencontre avec Laura Grifol-Isely (UMLP, CRIMIC)

18h, salon Préclin
UFR SLHS

Contact
marta.alvarez@univ-fcomte.fr
dominique.soucy@univ-fcomte.fr

L’intervention sera suivie de la projection du documentaire Portogallo paese tranquillo de Joaquim Jordá (1969).

Résumé

Traducteur, scénariste et réalisateur catalan, Joaquim Jordá (1935-2006) est communément reconnu pour avoir réalisé avec Jacinto Esteva Dante No es únicamente severo (1967).

Véritable manifeste cinématographique de celle que l’on dénomme l’École de Barcelone, ce film devient rapidement l’expression épurée d’une recherche formelle très liée aux mouvements artistiques d’avant-garde dans une ambiance intellectuelle barcelonaise fortement marquée par la gauche divine. Bien qu’à travers son œuvre Joaquim Jordá s’en détache, la pensée sociale est une constante qui ne fait que s’intensifier dans ses derniers documentaires.

Peu connue dans son ensemble, sa filmographie documentaire témoigne d’un fort engagement politique et d’une recherche hors norme des filaments complexes qui relient les sujets abordés. Infatigable voyageur, c’est pendant son séjour en Italie qu’il réalise sous commande quelques documentaires pour le ‘Movimento Operaio e democratico’. De cette coopération, il en résulte un documentaire réalisé clandestinement au Portugal pendant la Dictature de Salazar : Portogallo paese tranquillo (1969).

Nous tenterons d’explorer quelques-unes des stratégies énonciatives utilisées par le cinéaste pour montrer et nous inviter à parcourir la complexité du tissage qui relie la Dictature de Salazar, le colonialisme impérialiste, les problématiques ouvrières sous l’emprise d’une mondialisation galopante, les mouvements sociaux et la mobilisation des étudiant(e)s. En partant d’un référentiel hétéroclite, avec une optique affirmée qui prend appui sur la Barcelone de l’Espagne franquiste, le réalisateur pose son regard sur le monde lusitain de fin des années soixante, tout en s’adressant aux mouvements de gauche de l’Italie pour leur proposer, en passant par l’italien comme langue de communication, une réflexion autour des dictatures européennes, leur confluence, les facteurs de reliance (Morin) qui ont pu contribuer à les pérenniser dans la péninsule ibérique, les fondements, ambiguïtés, doutes et certitudes des nouveaux acteurs politiques qui pointent à l’horizon, les vieux ancrages contre lesquels s’insurgent mouvements ouvriers et mobilisations étudiantes, le danger d’enfermement dans la boucle de la reproduction (Bourdieu & Passeron). Avide de continuité, le dictateur cherche légitimation dans la représentation glorieuse d’un passé impérial dont les fondements s’écroulent sous la déconstruction (Derrida) opérée par la caméra de Joaquim Jordá sous l’effet de la distanciation (Brecht).

Laura Grifol-Isely est enseignante à l’Université Marie et Louis Pasteur, ayant réalisé une thèse sur les représentations cinématographiques de Barcelone, s’intéresse tout particulièrement aux mouvements sociaux des aires hispaniques de la période contemporaine et au rôle que le documentaire a pu avoir comme moyen d’expression et moyen de communication des formes d’engagement activistes, du rôle que le documentaire a pu et peut occuper comme moyen de communication d’une demande sociale d’une ‘vraie’ ou ‘réelle’ (revendication du mouvement 15-M) praxis démocratique. Son travail ne se cantonne pas à l’étude des documents contenus dans les archives des mouvements reconnus comme tels, mais s’étend aux formes de représentation des préoccupations sociales partagées qui ont trouvé médium et mémoire dans l’audiovisuel.