La saillance dans la délinéarisation du message
Aspects multidimensionnels et multimodaux
Salle de conférences
MSHE
Organisation
laure.cataldo@univ-fcomte.fr
Présentation
La notion de saillance, comme le rappelle G. Col, n’est pas une notion intrinsèquement linguistique, mais relève plutôt de mécanismes généraux à l’œuvre dans la cognition humaine (Col, 2011 : 7). L’auteur précise alors que, dans le domaine de la linguistique, « le terme ‘saillance’ est utilisé pour référer à l’importance, l’émergence ou encore la récence d’une entité (mot, syntagme, fonction grammaticale, entité de discours, etc.) dans un contexte donné, propriété qui lui permet d’être perçue et repérée plus facilement au milieu d’autres entités ». L’auteur ajoute que « l’isolement d’une entité (visuelle ou discursive) ou la rupture dans une continuité (rythmique, par exemple) sont des facteurs de saillance » (ibid.) dans le flux discursif.
La linguistique traditionnelle a souvent privilégié une approche linéaire du discours. Les unités discursives sont alors analysées dans une séquence ordonnée, comme dans l’étude de Korzen & Henning (1996), qui considèrent que la linéarité assure une fonction significative au niveau de la phrase et/ou du texte. Cependant, il convient de s’interroger, dans le cadre de la linguistique cognitive et de l’analyse du discours dans sa multimodalité, sur le rôle de la saillance au sein de la délinéarisation du message.
La délinéarisation renvoie à une approche selon laquelle les éléments du discours sont appréhendés non seulement dans leur ordre d’apparition, mais en fonction des effets de mise en saillance et des procédés d’isolement de certaines unités (phonétiques, sémantiques, discursives, énonciatives, prosodiques). Elle fait apparaître divers assemblages de paramètres multimodaux – que ce soit au niveau de la syntaxe, de la sémantique, de la prosodie, ou encore avec l’adjonction d’une gestuelle et de certaines expressions faciales – qui interrogent le renforcement ou la modification de la saillance de certaines unités par des éléments non verbaux. La prise en compte de la dimension visuo- gestuelle dans cette réflexion présente un double intérêt. D’une part, elle permet de réinterroger ces frontières tracées entre verbal vocal séquentiel et non-verbal gestuel délinéarisé. D’autre part, le fait de considérer la saillance dans les langues des signes (Blondel, 2003) permet de souligner ce qui relève de la délinéarisation dans les langues dites “parlées” dès lors qu’elles sont appréhendées dans leur multimodalité.
La délinéarisation des unités discursives et/ou syntaxiques met en lumière des structures dans lesquelles la saillance joue un rôle crucial quant à l’organisation et à la compréhension du discours, notamment lors du traitement non linéaire de certaines unités linguistiques (cf. Blache 2017, Col 2017). Cette journée d’étude vise à explorer ces nouvelles perspectives, en examinant comment la délinéarisation peut révéler des dynamiques argumentatives, des segmentations, des décalages ou des ruptures dans l’information packaging (la présentation et la structuration de l’information dans un discours).
Le premier objectif de cette journée d’étude repose sur une volonté de définir les contours de la notion de saillance, qui prête à différentes interprétations selon l’angle d’étude, comme le décrivent Boswijk & Coler (2020) dans leur état de l’art assez complet de la saillance, et de porter un regard critique sur celle-ci. Cette notion peut en recouper d’autres, telles que l’emphase, la mise en relief, la
focalisation, l’accentuation ou l’intensification, qui ne seront pas nécessairement employées dans les mêmes contextes.
Les questions de la réception du message, de la hiérarchisation de celui-ci et du ciblage de l’attention sur l’élément discrétisé dans une configuration argumentative (Talmy 2017) seront également fondamentales. Le positionnement depuis lequel la saillance est examinée (production ou réception) sera, en conséquence, à prendre en considération.
Les mécanismes précis qui permettent au(x) support(s) examiné(s) de créer des effets de saillance retiendront particulièrement notre attention et nous nous demanderons par quel biais la position, la prosodie ou la gestuelle attachée à un élément ou une structure entière lui permettent de se détacher sur le fond discursif qui l’accueille. L’on examinera aussi la nature de l’élément pris comme cible de la mise en saillance, étant donné qu’il est présenté comme valant une attention particulière.