Les génocides devant la justice allemande
Les génocides devant la justice allemande ; droit et reconnaissance (1945-2023)
N° 293 de la revue «Guerres mondiales et conflits contemporains »
ISSN : 0984-2292
2024
154 pages
La longue confrontation de la République fédérale d’Allemagne à son passé nazi et sa répression des génocides amènent à faire de l’Allemagne du XXIe siècle une sorte de « modèle » mémoriel sur la scène internationale. La RFA a reconnu – tardivement, en 1982 – le génocide des Roms et des Sintis perpétré sous le nazisme, puis celui des Arméniens en 2016, celui des Hereros et des Namas en 2021 et celui des Yézidis en 2023. La place accordée à la Shoah, en particulier, dans les politiques mémorielles allemandes a conduit certaines historiennes et historiens à inciter d’autres pays à « apprendre des Allemands », comme l’a fait l’historienne américaine Susan Neiman au sujet de la reconnaissance de l’esclavage aux États-Unis.
Si la RFA jouit globalement d’une image positive en matière de politiques mémorielles et de droit pénal international à l’extérieur de ses frontières, sa culture mémorielle se voit dans le même temps soumise à des critiques croissantes, surtout internes. Le consensus qui s’était établi autour de la culture mémorielle allemande au cours des années 1990 s’effrite. De plus en plus de chercheures et chercheurs pointent le manque d’inclusivité de sa culture mémorielle à l’heure où la société allemande accueille une part croissante de populations issue de l’immigration, qu’elle soit économique ou politique : en 2022 en Allemagne, plus d’une personne sur quatre a des origines étrangères et la proportion s’élève à plus de 30 % en Allemagne de l’Ouest. Les politiques de mémoire allemandes se caractériseraient en outre par une focalisation sur la Shoah au détriment d’une véritable reconnaissance des autres génocides, en particulier des crimes dans les empires coloniaux…