Le programme « Savoirs du vivant » s’organise autour de deux axes : la formation des modèles de pensée et des représentations du vivant, les transferts épistémiques entre les disciplines (sciences du vivant, textes littéraires et historiographiques). La circulation interdisciplinaire de modèles de pensée au XIXe siècle crée un espace de production à l’intersection des disciplines : les représentations culturelles du vivant s’y développent grâce aux analogies, aux déplacements, aux transformations. Les savoirs dérivés des sciences du vivant ou élaborés dans leurs marges ont marqué la pensée historique, politique et sociale.
Dans une perspective génétique et épistémocritique, il s’agit d’étudier dans certains manuscrits scientifiques du XIXe siècle (conservés dans les collections publiques) la formation des représentations du vivant, le rôle de la rhétorique voire de la fiction dans l’écriture scientifique puis les procédés littéraires et les réagencements thétiques qui permettent le transfert des modèles de pensée et des représentations scientifiques vers d’autres contextes. Nous repèrerons des échangeurs épistémologiques, c’est-à-dire les points de rencontre entre des rationalités différentes, les points de conversion du savoir en fiction, ou à l’inverse d’une représentation culturelle en savoir scientifique. Comment s’effectue le passage d’un ordre à un autre (d’une idée scientifique à un principe de composition narrative par exemple) ? Quels sont les implications idéologiques des transferts et les conséquences esthétiques ?
Nous nous interrogerons sur la spécificité des transferts épistémiques de modèles empruntés aux sciences du vivant (par rapport à d’autres types de savoirs). Comment expliquer leur puissance de modélisation, de globalisation dans les textes des historiens du XIXe siècle, et leur place dans les textes littéraires ? La littérature a-t-elle une dimension cognitive qui nous permette de mieux comprendre la fascination exercée par les sciences du vivant au XIXe siècle et les enjeux des transferts épistémiques ? Quelle action les savoirs du vivant conservent-ils au XXe siècle ?
Innovante par sa méthode double, par la pratique nouvelle d’une génétique des textes scientifiques, par le traitement inhabituel des textes scientifiques du point de vue de l’écriture, cette recherche n’a pas les mêmes objectifs que l’histoire des sciences et des idées, même si les résultats de celle-ci seront utiles, et si dans l’autre sens l’étude génétique et épistémocritique des textes pourra éventuellement lui apporter une contribution.
Trois hypothèses majeures orienteront l’investigation :